Il était une fois trois angelots

Dans un jardin privé bordé de bois, deux petites filles dansent. Derrière elles, un tipi blanc.

Astuce !

« On va les appâter avec un gâteau », me dit la maman. Elle ne parle pas d’abeilles mais de ses trois petites filles blondes qui galopent dans la courette de la cantine où je suis attablé.

Ses angelots s’amusent à tambouriner des pieds sur un endroit dans le cour où est posé un plancher. Allers et retours incessants. J’ai croisé le regard de deux dames attablées gagnées par l’irritation. Un degré au-dessus du mien. Elles discutent entre elles, vont se décider à causer avec les parents assis dans une autre salle ? Non. Elles finissent par se lever pour se réfugier à l’intérieur et s’excusent auprès du personnel du restaurant pour le dérangement. Me voilà seul dans la courette. Avec la bande de joyeuses drilles. Avant d’être vraiment contrarié dans mon besoin de calme, d’entendre couler l’eau de la fontaine, j’interpelle les petites filles. L’une se retourne, me regarde, et je lui demande d’arrêter de marteler le parquet. Elle ne me répond rien mais a bien compris mon message.


Quand la maman passe à côté de moi, je lui fais part de mon désagrément sonore
« Je comprends parfaitement que vos filles s’amusent et à la longue ça devient bruyant ».
« On va les appâter avec un gâteau »
Sous-entendu pour qu’elles restent assisses.
On va les appâter avec un gâteau !
Et leur demander d’arrêter, tout simplement. De dire Stop. Non ? Ce n’est pas possible de mettre des limites à vos enfants ?
Je fais du bruit et comme récompense j’ai le droit à un gâteau ! C’est ça, le message ?

En partant, les trois petites filles me gratifient d’un sourire et d’un « Au revoir Monsieur ! » joyeux qui fait rire le personnel en cuisine, la maman. Happy end ! Leur père est déjà sorti. Pas un mot. Pas un regard dans ma direction. C’est seulement après coup que j’ai compris que c’était le père.

Enfant, mes parents n’auraient jamais permis que je coure dans un restaurant. Ne parlons pas de marteler des pieds sur un plancher.

Dans cet épisode, ce qui m’a le plus surpris, ce ne sont pas les enfants qui s’amusent en liberté et les parents qui ne posent pas de limite, mais les dames à la table d’à côté qui préfèrent se priver du plaisir d’être dehors que d’aller voir les parents (la quarantaine, catégorie sociale supérieure, apparence cool. Pas des têtes de mafiosi ou des tronches revêches).

Dans notre stage avec Dorothée Langlois « La danse de l’adolescence dans son féminin-masculin », nous allons vous proposer de vous amuser avec vos propres limites/résistances, d’aller courir et tambouriner sur vos « parquets » de prédilection, et aussi d’apprendre à poser vos limites. Jusqu’où pouvez-vous aller dans votre liberté, en conscience de la liberté de l’autre ?

La petite fille que j’ai interpellé a très bien compris que le bruit de ses pas me dérangeait.
Sa mère n’a pas accusé réception de mon désagrément : elle a trouvé une solution pour s’éviter à elle un conflit avec ses enfants.
Les deux femmes à la table d’à côté ont opté pour une stratégie de fuite.

Et vous, comment vous seriez-vous positionné dans cette situation ?

Pour ma part, je me suis déjà retrouvé dans les trois cas : la fuite, le subterfuge pour m’éviter à affronter le confit, et énoncer mon besoin en lien avec mon état émotionnel de l’instant. Comme ce fut le cas.

La clé, si clé il y a, est dans la juste place accordée à ses émotions. Et dans la communication avec l’autre.

Le « Au revoir Monsieur » des petites filles m’a fait sourire. Si elles étaient venues me voir en disant « On s’amuse tellement, est-ce que ça vous dérange si on continue à faire du bruit ? » Sûrement que j’aurais répondu « oui ». Oui continuez à vous amuser. A votre âge, je n’avais pas le droit, alors profitez-en bien ! ça me fait plaisir de vous voir ainsi !
Quand je rentre à la maison et que j’entends de la musique, il m’arrive de m’agacer. Je m’agace avant même de vraiment écouter la musique, de me demander si j’aime ou pas. Et parfois j’aime… cet agacement est lié à mon besoin de calme, de silence, de me retrouver seul entre mes murs et non en famille.

Il est à reconnaître, en chacun d’entre nous, nos besoins, nos émotions liées à ceux-ci et de réussir à les exprimer.

Chaque fois que j’arrive à exprimer mes émotions et les besoins qui en découlent, je ressens une joie intérieure, un soulagement, comme un espace libéré qui laisse la place à du vide. A de l’inconnu. Dans cette cantine, après le départ de la famille, j’ai sympathisé avec un autre client et j’ai passé du bon temps à converser. Un habitué qui m’a fourni l’adresse d’un café italien, Outre-Meuse à Liège, où je me réjouis par avance de m’y rendre au retour des vacances.

 

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