Et si je testais ?
Une camarade des Beaux-Arts m’a proposé de peindre sur du papier photo. Ah ! Tiens ! Pourquoi pas ! J’ai ainsi peint quelques aquarelles, des miniatures pour l’expo de fin d’année à Liège.
A Paris, j’ai retrouvé dans l’appartement familial un stock de portraits du temps où je passais des castings. J’ai failli jeter l’ensemble et puis non… j’ai peint dessus, toujours à l’aquarelle.
De retour dans mon bureau, mon regard s’est porté sur les couvertures encadrées du magazine Interview qui m’accompagnent depuis des années et dont l’attrait a disparu. Pourquoi ne pas insérer mes photos peintes sur les couvertures ? Ce qui serait dans l’esprit d’Andy Warhol, le co-fondateur du magazine. J’ai testé et bof ! De cette impasse provisoire a jailli l’idée que ces mêmes photos pourraient s’insérer dans mes premiers pastels. J’ai testé et l’assemblage/collage fonctionne plutôt bien. Mieux en tout cas qu’avec les couv d’Interview.
Dans ce processus créatif, j’ai noté plusieurs étapes :
1. Me laisser surprendre. Peindre sur du papier photo ? C’était inhabituel et j’ai accepté la proposition de l’inattendu.
2. Tester. Je peins sur le papier photo et je valide ou pas l’expérience. Est-ce que ça me plait ? Et quel impact cela produit-il sur les autres ? Si oui…
3. Reproduire l’expérience et améliorer ma technique. A l’aquarelle, j’ai ajouté des encres. Me suis aperçu, qu’au moins l’une d’elle ne séchait pas. Une détérioration était possible. Mon travail est en cheminement…
En résumé : s’ouvrir à l’inconnu, accepter un temps de maturation, de lenteur, avant de décider si l’expérience convient de la prolonger.
C’est cette notion de trois temps que j’ai déjà évoqué dans un précédent article (Ne pas confondre vitesse et précipitation).
Dans nos vies, sommes-nous à l’écoute de la main du destin (c’est l’expression qui me vient à l’esprit) ? C’est-à-dire de cet élément perturbateur (en l’occurrence le papier photo), qui trouble notre mental, nos certitudes, conditionnements ?
Il ne s’agit pas de se laisser constamment « déstabilisé » car cela serait invivable, mais de conserver une porte (ou une fenêtre, ou un trou de souris) ouverte sur l’appel du large. L’inconnu qui me susurre ou me crie : Teste une nouvelle route ! Adapte-toi à ce qui est au présent ! Il n’y a plus de haricots, prends des navets !
Tester ne veut pas dire acheter. Faire soi la pensée/idée/parole de l’autre. Nous avons le libre arbitre : oui ou non. Et les Je ne sais pas, j’ai besoin de temps pour réfléchir. Ce temps de macération indispensable pour être en accord avec son envie, son désir. Un buveur de thé est attentif au temps d’infusion pour éviter le trop peu de goût ou le trop fort.
Vive le temps perdu
Nos sociétés occidentales poussent à l’accélération du temps, nous font oublier le plaisir de la recherche : prendre le temps d’ouvrir un dictionnaire et chercher la définition d’un mot, c’est aussi s’attarder sur les mots au-dessus et en dessous, feuilleter d’autres pages et découvrir autre chose… à l’inverse de Google qui va droit au but !
Il ne s’agit pas de condamner la modernité, le monde dans lequel nous vivons, mais peut-être juste acter, valider que nous avons à notre disposition davantage de chemins à notre portée. Et que pour trouver celui qui me convient, nous aurons besoin de flâneries, de temps avant de nous décider. Un processus à l’inverse d’une chaîne comme Netflix qui enchaîne les films ou séries sans le consentement du spectateur. Qui impose le choix d’un nouveau programme à la fin du film que vous avez choisi ! Un procédé autoritaire : je sais ce qui est bon pour toi, spectateur ! J’ai bien sûr la liberté de changer ce choix mais ça demande d’intervenir, de faire un effort. Comme tous ces abonnements qui sont reconduits sauf avis contraire… c’est plus confortable de n’avoir rien à faire et cela peut conduire à une perte de liberté. Le succès de Netflix me parait symptomatique de notre société qui pousse au conditionnement, à la directive, au détriment du libre choix de l’individu.
En ce jour que me dit la main du destin ? Regarder une nouvelle série ou aller me promener dans la neige ? Et si aujourd’hui, je m’offrais le luxe d’oser quelque chose d’inhabituel ? Pas besoin de courir à l’aéroport et de prendre le premier vol disponible… juste faire un pas de côté et observer ce qui se passe. Si ça bouillonne en moi ou pas ?
Je vous souhaite aujourd’hui de vous laisser caresser par la main de votre destin. Et d’en profiter !
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