Je ne faisais que passer!
Ma belle-fille, une ado, m’a fait une réflexion alors que je descendais une pile de linge sale. Une phrase du genre « ça serait plus malin de descendre TOUT le linge du panier et pas seulement de quoi remplir une machine. »
Sa mère qui était dans le coin lui a répondu quelque chose. Moi, j’avais continué mon chemin en me demandant ce que j’avais à répondre à ça. Répondre, ça aurait été la prendre entre quatre yeux, lui demander en quoi ma façon de gérer le linge la déranger ? Voulait-elle que je lui explique pourquoi j’avais opté pour juste descendre les vêtements (les miens) susceptible d’entrer dans le tambour de la machine ? Était-elle en charge de la « laverie » familiale ? Avait-elle un diplôme en nettoyage-pressing ? N’avait-elle pas d’autres sujets de réflexion, comme réviser son examen théorique pour le permis, se trouver un job d’étudiant, réfléchir à ses vacances d’été ? Je n’ai rien répondu (elle était repartie dans sa chambre ou dans la salle de bains, ces deux pièces de prédilection dans la maison) et en même temps j’ai ressenti l’usure de ce type de phrases au quotidien. De quoi je me mêle ?
Je pressens qu’il y a derrière ce besoin de se mêler des affaires de l’autre, un besoin d’attention. De dire « j’existe ». D’affirmation « je suis capable de ».
Qui ne s’est pas une fois dans sa vie occupé des affaires d’autrui sans y avoir été au préalable invité ?
En suivant un atelier de peinture, l’animatrice m’a fait une réflexion du style : « quand tu prends du recul pour regarder ta peinture, tu t’éloignes de ton cœur, tu laisses la place à ton mental. Alors que ta main sait pertinemment ce qu’elle a à faire. Tu as juste à te laisser guider par les couleurs. » J’ai senti en moi une contraction au niveau de ma poitrine. Je me retrouvais à l’école, tancé par la maîtresse alors que j’attendais au contraire son aval. Oui Frédéric, c’est très bien ce que tu fais. Continue comme ça.
Cette contraction m’a surpris, m’a pris de cours. La puissance des mécanismes inconscients. Du corps qui se ferme dès qu’il y a un danger, ou le rappel d’un danger passé. Après coup en analysant, l’animatrice qui tournait autour de mon chevalet pendant que je peignais (j’étais seul dans l’atelier) avait rappelé à mon cerveau une situation d’examen à l’école : ne va pas copier sur ton voisin !
A la fin de l’atelier, j’ai exprimé à l’animatrice mon état émotionnel et elle l’a reçu avec délicatesse.
Prendre conscience, exprimer avec les mots ou le corps, être entendu.
Dire à l’autre son émotion équivaut à prendre un risque et si non réception il y a, cela laisse une trace, un goût amer en bouche. Une amertume que l’on peut évacuer par la respiration, du mouvement ou du rire (ou pleurs).
Qui n’a pas été traumatisé par son passage scolaire ? Je suppose que je ne suis pas le seul et peut-être bien que je le suis ? Envisager cette seconde option me fait sourire.
Je ne vais pas établir la liste de tous les traumatismes imaginables depuis la naissance, l’enfance, les premiers émois amoureux, impossible.
Par contre, dans le domaine du possible, s’occuper de ses traumatismes me parait une voie raisonnable : les accueillir c’est déjà commencer à les guérir.
J’entendais une émission à la radio sur l’intelligence artificielle, ces robots qui sans faire de bruit envahissent peu à peu notre monde humain. Ce qui me fait penser qu’il y a nécessité à explorer l’univers de nos émotions, de notre cœur pour marquer notre différence avec ces « charmantes » machines qui dans l’immédiat ont comme principal atout une technicité hors pair. Et eux/elles (robots/machines) ne demanderont jamais à prendre leur retraite.
En ce mois de mai 2023, les Ukrainiens se battent pour leur liberté, une majorité de Français pour ne pas repousser l’âge de la retraite et une partie des peuples africains pour ne pas mourir de faim et de soif.
A chacun son combat. A chacun sa cause. En ce printemps, en cette période de montée de sève, où en campagne ardennaise les arbres commencent à fleurir, où en êtes-vous dans vos combats, causes personnelles ? Liberté, retraite, faim ou… ?
La bougie sur mon bureau est en train de se fendiller : j’aperçois dans le cratère la flamme vivace et généreuse à travers une fente ; la cire s’écoule dans la soucoupe qui maintenant déborde sur la table, bientôt envahira le clavier de mon ordinateur, mon bureau, l’étage où il se trouve, la maison, la campagne environnante et le duo de lamas que j’apercevais de ma fenêtre avant que celle-ci soit occulté par la cire. Le cauchemar de l’imagination sans limite. Le connaissez-vous ? Si vous êtes comme moi, je vous préconise de repasser par la case « Faits » : est-ce qu’une bougie d’une hauteur de 13 cm et d’une circonférence approximativement 25 cm peut ravager mon environnement ?
Dis autrement, êtes-vous prêt à accepter les débordements de votre flamme ? A rayonner au-delà de votre carapace, masque du quotidien ?
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