Woodstock 2023!
Pour célébrer l’arrivée de la pleine lune, ma compagne me propose de l’accompagner avec des copines à elle à un rassemblement hippie dans les champs. J’hésite.
Un, le monde hippie ne m’a jamais attiré ; deux, mon rhume des foins est revenu à la charge, alors passer une soirée dans les blés… J’ai envie de dire non, rester pépère à la maison mais ma compagne est d’un enthousiasme débordant ; je pense aussi que « sortir » même quand on n’en a pas très envie est intéressant, alors je dis oui.
Un covoiturage est organisé et nous voilà partis. Je ne suis pas le conducteur, ce n’est pas ma voiture. En acceptant la proposition, j’abandonne (une partie de) mon autonomie, indépendance, liberté. Sacré challenge pour moi ! Heureusement la conductrice nous apprend qu’elle ne compte pas repartir après 22h. Ouf ! Si je m’ennuie… Cet horaire sonne comme une sécurité dans ma tête.
Durant le trajet, nous suivons une autre voiture qui semble multiplier les détours, plus d’une heure de route : j’ai envie de repartir et quand le vin est tiré…
Nous arrivons enfin au lieu où se trouve le rassemblement. On est accueilli par des Welcome Home ! ou des free food par les personnes (beaucoup de hollandais et d’allemands) que nous croisons. Dans la série culte de mon adolescence Le Prisonnier, les habitants se contentaient d’un simple Bonjour chez vous ! Ici, l’anglais est la langue commune. Des familles en guenilles (pour la rime) me font penser à la communauté de Sherwood du temps de Robin des Bois. Ambiance conviviale et bon enfant. Pour rejoindre le centre du rassemblement, ils ont construit un pont de fortune qui enjambe un mince et boueux cours d’eau. Je fais le tour, pas envie de jouer à Tarzan enrhumé… On arrive dans un champ qui a été fauché, où bientôt s’allumera un grand feu. Je m’allonge, somnole bercé par les voix, quelques accords de musique ; de temps à autre, j’ouvre un œil, regarde les chiens en liberté, les petits garçons zizi à l’air, les visages peinturlurés en bleu Avatar et referme l’œil. Je suis dans un film en costumes, sans caméra, et sans le moindre appareil électronique (tablette, téléphone, ordinateur) … Les gens se parlent, conversent entre eux sans écran interposé : un vrai monde de fiction !
De temps en temps, il y a des annonces Focus ! proclamées par deux gars à la voix éraillée : FOCUS, pour le bois ! FOCUS, pour les voitures mal garées ! FOCUS pour le danger du feu ! FOCUS pour les massages de demain matin…. Entre deux Focus ! je pars me promener, traverse un champ. A l’autre bout, un gars qui est habillé comme moi en jeans et chemise (il y a quelques originaux vêtus en « citadin ») m’apprend que j’ai traversé un espace réservé à la nourriture des bisons, que c’est interdit, que j’ai ouvert un chemin, que tous les hippies risquent de me suivre. Je m’excuse, je ne savais pas. Le gars est cool. Je ne serai pas brûlé vif à la tombée de la nuit…
Je continue mon tour, arrive au tipi Massage. Je regarde à l’intérieur… avec ma goutte au nez, pas très envie de me laisser manipuler par des inconnus sur des paillasses. Je croise alors, magie de la rencontre, de l’improbable, un hindou qui vit en Pologne. Il adore le climat froid de son pays d’adoption, me parle des plages de Goa. Meilleures périodes : janvier, février. Ajoute que l’Inde est devenue trop touristique, dangereuse pour les femmes seules… je me suis fait un nouveau copain.
Je rejoins le rassemblement. Retrouve ma compagne qui chante et danse dans un grand cercle. Je m’intègre. A ma gauche, une jeune hippie entonne avec entrain des hymnes où il est question de cœur commun, de joie et d’âmes en quête d’amour et de joie. Elle m’embrasse la main. J’ai un moment de trouble. Ca fait longtemps qu’une inconnue ne m’a pas baisé la main, comme ça, sans un mot d’introduction. Salut toi ! Je te kieffe trop ! Je lui rends son baiser avant de comprendre que j’ai à faire passer le baiser à ma voisine de droite. Et ainsi de suite…
Après le repas du soir apporté dans de grandes marmites en métal qui me rappelle le service militaire que je n’ai point effectué, le grand feu est enfin allumé. Rituel de prières autour. J’ai envie de partir. Éternuements à répétition. Il est 22 heures… passées. Mon mental s’est réveillé : quand on décide de partir, on part ! Je déteste les gens qui annoncent qu’ils s’en vont et restent une heure à discuter devant ta porte. Je guette le top de notre conductrice qui, je sens, a envie de partir et ne dit rien.
Patience, patience… j’essaie de me calmer. D’accepter que peut-être la soirée va s’éterniser, durer toute la nuit… Enfin on part. Envie de m’arrêter dans une friterie. De boire une bière.
Nous avons souvent le choix entre prendre une voie connue et une autre inconnue. La seconde peut être inconfortable et aussi source d’enrichissement. La voie connue est à coup sûr plus confortable.
Et vous, quelle est votre voie de prédilection ?
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