Des plaisirs de la ville

Une terrasse de café, place de l'Odéon à Paris 6ème

Allez ouste !

« Merci d’attendre dehors que vous soyez au complet », me signifie le gars du restaurant. Je m’exécute, retourne sur le trottoir de la Butte aux Cailles (Paris 13ème) et attends mon compagnon du soir. Je sens une boule d’énervement monter dans mon ventre. Quel accueil ! Etienne arrive et on se casse ailleurs !

Le gars du restau passe le nez dehors. Je me tourne vers lui « C’est bien la première fois que je reçois ce type d’accueil, que je ne puisse pas m’assoir et attendre à une table. » Calmement il me répond que c’est la politique de la maison, que le restaurant est petit, que certaines personnes n’arrivent jamais, qu’il n’y a pas non plus de réservation (ça, je le savais) … Ma tension disparait.


Qu’est-ce qui s’est passé ?


J’ai exprimé mon ressenti (je m’en suis félicité intérieurement), l’autre l’a entendu et m’a exposé ses arguments, que j’ai entendu à mon tour.
Arriver à poser des mots sur son émotionnel et à les signifier à l’autre.
Le sujet sous-jacent en ce qui me concerne est l’impression ressenti, mon « interprétation » de non reconnaissance. Un sujet sensible pour moi.

Et vous, dans quelle situation, ne vous sentez-vous pas reconnu ? Et comment réussissez-vous à inverser la tendance ?
Quelles sont les situations qui viennent titiller votre émotionnel ? Comment les vivez-vous ?

Au final, j’ai passé une délicieuse soirée, bien mangé (des plats du Sud-Ouest) dans une ambiance folklorique. (Les lecteurs/lectrices du quartier reconnaitront l’établissement, une des institutions sur la Butte aux Cailles)

La vertu des échanges, du lien à l’autre. En toute circonstance… ce n’est pas toujours facile.

Entrer en contact avec un inconnu dans le métro parisien relève de l’exploit. Je me rappelle, quasiment de toutes mes « aventures » relationnelles depuis plus de quarante ans que je fréquente les transports en commun de la capitale française. Je m’en souviens parce qu’il y en a peu ! Pas plus de dix, comme les doigts de mes mains !
La plus belle des rencontres, entre les stations Glacière et Passy, déboucha sur ma première histoire d’amour. Il y a eu des échanges verbaux et saugrenus autour d’un scénario que je lisais sur la ligne 12 interrompus à la station Opéra et puis, et puis…
Il y a quelques jours sur la ligne 6, un groupe d’Antillais joyeux comme des enfants en liberté, perdu et pas vraiment, est entré dans la rame en rigolant de bon cœur. A leur sortie du wagon, quelques stations plus tard, ils riaient toujours. J’ai échangé un regard puis quelques mots avec la passagère face à moi « ça fait du bien ! » m’a-t-elle dit. Oh que oui, ça fait du bien cette bonne humeur spontanée dans un wagon où règnent le diktat des écrans de smartphone et des écouteurs. La RATP devrait accorder la gratuité à toute personne exposant sa joie de vivre, son plaisir de l’instant présent. Et me payer pour proposer des exercices corporels, là où les gens en ont vraiment besoin !

Entrer en contact dans les transports en commun demande à être soi-même centré et ouvert à l’autre. Pour cela, il y a à lutter contre une chappe d’inhibition. De « je rentre dans ma coquille » (à opposer aux personnes qui se comportent dans l’espace public comme s’ils étaient chez eux : musique et échanges téléphoniques à fond les ballons !).
Dans le TGV Liège-Paris, j’ai effectué un trajet dans un perpétuel brouhaha : un wagon bondé avec des petits enfants en extrême fatigue (c’était le soir) et crieurs. Deux choses m’ont aidé dans ce capharnaüm sonore :
1. Échanger des regards compatissants et des sourires avec le père que j’avais dans ma ligne de mire
2. La lecture du récit de Fabienne Verdier Passagère du silence (Le Livre de poche). Rien que le titre m’a été réconfortant. L’autrice raconte son périple et sa vie dans une université chinoise reculée pour apprendre la calligraphie. Ses conditions de vie (logement spartiate, alimentation succincte, pollution, bruits, cadre militaire communiste etc.), comparées à mon wagon bruyant certes mais assis dans un siège confortable, me paraissaient bien pires !

Le lien à l’autre, même parfois sans parler, permet véritablement de passer certaines épreuves.
Le lien à soi, dans ce cas à travers le livre, contribue à prendre du recul, à respirer à l’intérieur de ses viscères.

Au cours de ce même voyage, j’ai fait la connaissance d’un étudiant marocain. La SNCF devrait tester des compartiments de rencontres, d’ouvertures sur le monde de l’autre par le dialogue, comme ils ont inauguré des espaces de Silence. On peut aussi tomber sur des « emmerdeurs », ce qui m’est arrivé au moins une fois sur un Paris-Clermont-Ferrand. Mais dans l’ensemble les rencontres au cours de mes voyages furent pour la plupart agréables.

Voyager, rencontrer, être à l’écoute. Un beau programme de vie que je nous souhaite !

Et rendez-vous à Chiny (Belgique) pour respirer pleinement sa vie du 10 au 16 novembre 2023.

 

 

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