J’ai l’impression d’étouffer.
Je me réveille avec ce sentiment dans la nuit. J’ai le nez totalement bouché. Sans parler des picotements dans la gorge et les yeux. Le rhume des foins dans sa splendeur.
Est-ce que ça vous arrive aussi… d’avoir l’impression d’étouffer ? Pour une allergie ou autre ? Dans mon cas je me soigne et rien n’y fait. Je dors mal et dans la journée, j’alterne le nez bouché et des séries d’éternuement qui m’épuise. Alors je me bats. Mon corps se bat. Mon état de fatigue m’oblige à être davantage concentré sur mes tâches essentielles. Et je prends des vrais moments de repos, je fais la sieste.
« J’ai l’impression d’étouffer » me renvoie à mon désir d’expansion, de vivre profondément, de répondre profondément à toutes mes envies. Avec l’âge, mon corps a une énergie moindre, la tendance est à aller vers les restrictions. L’étouffement m’encourage à, au contraire, ouvrir mes capteurs, mes sens vers la nouveauté, l’inattendu.
Ce matin, j’ai testé le vélo électrique nouvellement acheté. Quel plaisir ! Grimper la côte qui me mène à mon bureau en quelques coups de pédale.
Je pose l’équation : l’association entre la prise de décision (le vélo plutôt que la marche ou la voiture), l’action (je pédale), le soutien (je suis soutenu dans mon effort par la batterie électrique).
Pour initier un changement, il y a de prime abord une prise de risque, une incertitude à traverser. Voire une peur. Pour une raison liée à mon passé, j’ai toujours une appréhension à monter sur un deux roues. J’ai besoin de temps pour appréhender l’équilibre, la vitesse. Une fois que je me sens en sécurité, je peux apprécier le plaisir d’être en mouvement. Sur le vélo électrique, ma « sécurité » est apparue aussitôt. Mon appréhension initiale était une « vue de l’esprit », de mon mental qui me disait « attention ! danger ! »
C’est cet équilibre qui est parfois difficile à trouver entre ce désir d’action, d’aller en avant et la/les peur(s) qui peuvent surgir. D’où, me semble-t-il, la nécessité d’un cadre de soutien bienveillant. Je vis avec une compagne casse-cou, qui me racontait en riant encore ce matin, la fois où elle s’était ouverte le menton en promenant le chien en forêt et en glissant sur une plaque de glace. Son humour et ses prises de recul sont des invitations pour moi à tester… les plaques de verglas !
Une fois dans l’action, il y a à pédaler c’est-à-dire à produire un effort. Le mot « effort » est parfois entendu dans un sens négatif. Comme le mot « travail ». Pour ma part, si j’y associe les mots « cœur » ou « plaisir » ou « sens », le travail et l’effort passent mieux.
Quel est le sens de mon travail ? Est-ce que cet effort m’apporte du plaisir ? Si oui, c’est plus facile de continuer à creuser dans sa mine… si non, se demander où l’élan de notre cœur nous emporte ?
J’ai été éduqué avec des phrases comme « il faut travailler pour réussir dans la vie ». Ce qui n’a pas été facilitant. Néanmoins, cela m’a apporté une rigueur dans le travail. De la discipline. Par contre, ce que j’ai dû apprendre pour me donner l’envie de travailler, c’est trouver le lien avec mon cœur et lui laisser la parole. Et quand j’y suis, l’effort est facile. Plaisant. Énergétisant.
Je pédale et la batterie électrique du vélo m’aide. Troisième élément de l’équation pour avancer : le soutien. Êtes-vous soutenu(e) ? Vous sentez-vous soutenu(e) ? Certains ont la chance d’avoir naturellement des ressources autour d’eux. Et pour d’autres, il s’agira d’aller demande de l’aide. De trouver des alliés. Demander de l’aide c’est prendre un risque : celui de s’entendre dire « non ». Et aussi de s’entendre dire « oui ». Pour relire mon roman, j’ai contacté neuf personnes. C’est-à-dire que j’ai fait neuf choix. Deux m’ont dit « non ». Sur les sept lecteurs, trois m’ont fait des retours constructifs. Sur lesquels je me suis appuyé pour retravailler mon texte.
Oser. Oser l’inconnu. En ce moment, j’enchaîne mon cinquième ou sixième roman de Philip Roth. Qu’est-ce qui a fait que dans un rayonnage de bibliothèque municipale, j’ai saisi Pastorale américaine (le premier de la série que j’ai lu) ? Je ne me souviens pas. J’avais lu La tache au moment de sa parution, ça m’avait plu et je n’avais pas poursuivi ma découverte de l’auteur.
Ce que je sais, c’est que ces lectures me nourrissent, me ravissent, m’amusent et m’instruisent. Pourtant lire Roth me demande un effort : ses phrases sont très longues, peu ou pas de chapitres, ses descriptions des décors, des personnages, de leurs métiers sont très détaillées… et je continue à tourner les pages en savourant l’intelligence du récit.
Avec Philip Roth, je respire dans l’Himalaya de la littérature contemporaine. Et sûrement que lorsque je me lancerai dans mon prochain marathon d’écriture, l’écrivain américain ne sera pas loin de moi. En soutien.
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