Chuter à point nommé

sur un fond vert, le chiffre deux ou un serpent joue ou combat de petits animaux de couleurs bleu vert qui ressemblent à des écureuils, un perroquet et un hérisson

Ca manque de lumière!

Le couloir est sombre. Mais peu importe, je le connais bien ce couloir : il mène à mon bureau. Je m’apprête à monter l’escalier quand j’aperçois une silhouette qui apparaît sur le palier à l’étage. Un homme apparaît. On se dit bonjour. Il descend une marche, comme s’il voulait me laisser le passage.

Je me demande ce qu’il lui prend de bouger ? Je suis encore en bas. Plus jeune que lui. L’escalier est dangereux, les marches inégales. Comme écrit, l’homme rate une marche, vacille contre le mur, tente de se rattraper et tombe lourdement sur le bras gauche et le poignet. Il pousse des cris, c’est fait mal. Je le crois volontiers. Il est grand, âgé, et est tombé lourdement de toute sa hauteur. Je m’approche de lui. Il se relève tout seul, en se tenant le bras et déjà maître de la situation : comment est mon coude par rapport à l’autre ? Effectivement, il y a une différence. Je ne m’y connais pas mais je songe à un déboitement de l’articulation. Il descend l’escalier tout seul, sans l’aide que je lui propose. L’homme qui veut bien faire. L’homme de devoir. Heureusement qu’il existe cet homme-là dans notre société et en même temps, il lui aurait été salutaire de huiler son conditionnement.

Qu’est-ce qui fait que parfois dans la vie on fait de mauvais choix ? Qu’on se lance dans des actions inconsidérées ?

Cet homme âgé qui a chuté devant moi m’interpelle. De ma position, en bas de l’escalier, je me suis dit qu’il prenait un risque, qu’il n’y avait aucune obligation à bouger.
A-t-il eu peur que je lui rende dedans ? Que je l’engueule parce qu’il était sur mon chemin ? Je pencherai pour un excès de politesse. De gentillesse. Il a voulu bien faire. Et en voulant bien faire, il est tombé et s’est pété le coude (Le coude, le genou, la cheville sont des articulations essentielles pour notre capacité d’adaptation, notre souplesse).

Est-ce que je lui ai demandé de se pousser ? Non.

Est-ce que ça vous arrive, vous est arrivé dans la vie, de vous pousser sans que personne ne vous ait rien demandé ? De vouloir bien faire pour l’autre ?

A moi, oui. Je ne parle pas de céder sa place à une personne âgée dans les transports en commun. Plutôt laisser la dernière part du gâteau ou la dernière frite à un autre convive alors que vous en rêviez !

Oser ou s’autoriser à occuper sa place de femme et d’homme dans notre couple, dans notre vie professionnelle.

Oser dire ce que je pense, ce qui est bon pour moi.

Dire non aux compromis qui me ligotent aux désirs, aux besoins de l’autre.
Dire oui aux signaux de mon corps, à mon cœur, à mon ventre et aussi à ma tête.

C’est difficile quand dans son enfance, adolescence on nous a appris à faire le dos rond. Ne pas déranger, obéir, se soumettre aux injonctions, aux devoirs.

J’ai peu chuté physiquement (sur un autre plan, la liste serait trop longue !) dans ma vie : une fois dans mon jardin dans l’Allier, assis sur une chaise je me suis retrouvé le cul par terre et ça m’a fait rire ; une autre fois dans un stage d’art martial sensoriel, la chute en arrière m’a permis de goûter au vide, la sensation physique du lâcher-prise mental, comme une ouverture sur un espace vierge ; un circuit en trottinette dans une montagne suisse s’est achevé par une rupture des ligaments de ma cheville accompagnée d’une douleur innommable. Ce jour-là, je n’ai pas écouté mon corps fatigué qui me disait de ralentir, de mettre pied à terre. Mais ma tête voulait épater mes copines.

Je me souviens aussi d’une chute dans un escalier trop bien ciré d’un immeuble du Marais à Paris où j’ai perdu connaissance. Sans dégât physique… ou je ne m’en souviens pas !

La chute ! Que m’apprend-elle ?

Il y a bien sûr les impondérables, la pierre qui cède sous le pied en montagne, la rafale de vent impromptue qui m’entraîne dans le fossé… la chute est la conséquence d’une perte d’ancrage, de lien avec la terre, notre socle.
La chute d’un enfant fait partie de son apprentissage, lui apprend qu’il a les capacités pour se relever. Je pleure ou je ris et hop je me relève. En avançant dans l’âge, notre capacité de rebond est moins immédiate : nous nous sommes rigidifiés, prisonniers de nos conditionnements éducatifs.

Nous sommes tous plus ou moins conditionnés. Prenons-en conscience et agissons pour sortir de nos habitudes.
Est-ce qu’il est juste pour moi d’agir ainsi ?
Posons-nous la question quand notre corps nous envoie le signal : lourdeur dans le cœur ou au plexus solaire, crispation ventrale, raidissement des épaules.

Utilisons consciemment la chute comme un outil de lâcher-prise, de découverte, d’ouverture sur l’inconnu comme en art martial sensoriel, plutôt que de la subir et d’aboutir aux Urgences de l’hôpital du coin (pour celles et ceux qui ont encore la chance d’en avoir un dans leur région !).

 

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